“Un être humain peut tenir deux discours contradictoires sur l’humanité.
Le premier dit : « Jamais il n’y eut d’hommes, et l’anthropologie est future. »
Le second dit : « Tous les hommes sont des hommes, et l’anthropologie a lieu. »
Il entre dans la nature de l’homme de constater tour à tour, voire en même temps l’existence et l’inexistence de l’humanité et, alternativement, de louer la vivacité ou de critiquer la défaillance du discours scientifique sur l’homme quand la définition de l’homme s’est dérobée.
Mais les deux discours se complètent l’un l’autre : ce que l’homme devrait ou pourrait être ne correspond pas ou manque à correspondre à ce que l’homme est communément. Il y a solution de continuité entre le présent et le futur.
La prescription enveloppe cependant une description : ce qu’est l’homme renvoie à ce qu’il pourrait être, et ce qu’il est entre dans ce qu’il pourrait être.
La poésie a tenu, naturellement, les deux discours incompatibles en apparence. Elle a même tenu aux deux discours, s’est déployée en raison de leur contrariété en chacun.”
Conférence donnée le 6 mars 2012 dans le cadre du colloque “Anthropologie et poésie” organisé par l’UMR 8547 Archives Husserl – Transferts culturels. Source : École Normale Supérieure