Pierre-Yves Testenoire, Maître de Conférences en Sciences du langage à la Sorbonne, vient de publier sous ce titre un article dans la revue Histoire Épistémologie Langage. Il a également écrit l’article de présentation de ce dossier thématique “Linguistique et anthropologie au début du 20e siècle”. Le dossier est composé de 4 articles étudiant les liens entre ces disciplines, alors récentes, à travers les positions de chercheurs répartis dans les communautés scientifiques suivantes : nord-américaine, allemande, française et britannique.
Voici le résumé de l’article publié par son auteur :
“Cet article porte sur trois recherches autour de la poésie orale menées dans le premier tiers du xxe siècle : le travail de Jean Paulhan (1884-1968) sur la poésie populaire traditionnelle à Madagascar, l’anthropologie linguistique de Marcel Jousse (1886-1961) et les recherches de Milman Parry (1902-1935) sur la composition formulaire des poèmes homériques. Ces trois recherches ont en commun d’avoir été dirigées ou en partie inspirées par Antoine Meillet (1866-1936). Elles sont une des manifestations concrètes de l’ambition portée par Meillet de faire dialoguer la linguistique avec l’ethnographie. L’article présente la spécificité de ces trois recherches mais aussi ce qui les réunit dans un objectif commun de décrire ou de théoriser l’oralité poétique. On s’intéresse, en particulier, à l’apport de l’enseignement de Meillet dans ces trois entreprises ainsi qu’à l’accueil qu’il leur réserve dans ses comptes rendus pour les Bulletins de la Société de linguistique de Paris. L’objectif est aussi d’évaluer la contribution de Meillet à l’émergence du concept de « formule » qui prend corps à travers ces travaux et qui deviendra la pierre angulaire des théories oralistes.”
Il est intéressant que Pierre-Yves Testenoire reprenne des extraits de cours de Jousse dans lesquels ce dernier parle d’échanges qu’il a eu avec Meillet. Notons que Jousse ne présente pas ce dernier comme l’un de ses maîtres, au même titre que Pierre Janet en psychologie, Marcel Mauss en ethnologie et l’abbé Rousselot en phonétique expérimentale – chercheurs dont il a suivi les enseignements à Paris suite à son retour des États-Unis en 1919. En revanche, Jousse s’appuie sur l’autorité scientifique de ce linguiste reconnu, de 20 ans son aîné, afin de montrer à son auditoire que ses travaux sont pris au sérieux – Meillet ayant notamment publié un compte-rendu du Style oral (1925). Hier comme aujourd’hui, un chercheur n’est rien sans la reconnaissance que d’autres chercheurs lui accordent. Et cela d’autant plus pour Jousse, qui est un “franc-tireur” en sciences humaines, sans poste universitaire, proposant rien de moins que la création d’une nouvelle science !
A ce titre, il est précieux que les travaux de Pierre-Yves Testenoire contribuent aujourd’hui à réintégrer, dans une histoire de la linguistique marquée par l’héritage de Saussure, ce courant d’études de l’oralité du début du 20° siècle dont fait partie Marcel Jousse.
Vous pouvez également lire le rendu compte d’un autre texte intéressant de Pierre-Yves Testenoire intitulé : Une sémiologie sans signe : Marcel Jousse et la linguistique de son temps
Thomas Marshall et Titus Jacquignon,
membres du Bureau de l’Association Marcel Jousse