chercheur, anthropologue, pédagogue

Catégorie : Médiathèque Page 6 of 8

Le geste doit précéder la parole

“Qu’est-ce qui va m’aider, si j’ose dire, à modeler ma pensée ? Qu’est-ce qui va permettre de la faire fluide ou raide ? C’est mon geste. Je suis conduit par mon geste. Ce n’est pas la parole qui me conduit, c’est mon geste. Et voilà pourquoi, sans que je m’en aperçoive, certains de nos spectateurs peuvent me dire : ‘Oui, on sait votre pensée. Avant que vous ne l’ayez exprimée, vous l’avez jouée’.

Et c’est la raison pour laquelle l’enfant prend le monde réel avec tout son corps et puis le rejoue et vous donne ensuite la transposition orale de ce réel intussusceptionné, mais avec toujours cette interférence stupéfiante et inexplicable du besoin de comparer. Cela je n’ai encore pu me l’expliquer. Je suis stupéfait moi-même de la définition que j’ai été obligé de donner : ‘L’homme est un animal qui fait des comparaisons’. Aussi le petit enfant qui est en face de l’objet, va le mimer et tout de suite, le jeu de la comparaison va se produire. Il va donner ce qui se rapproche le plus du geste qu’il a vu et qui est une des joies de son expression.

Un enfant voit-il tomber des feuilles ? Ce ne sont pas les feuilles qui vont le frapper, mais il a vu des plumes tomber de la poule qui s’ébroue et devant cet éparpillement de petites feuilles, il rejoue cet éparpillement de petites plumes et il dit : ‘Maman, regarde les plumes de l’arbre qui tombent’. C’est là un des beaux exemples de l’expression gestuelle enfantine.

C’est peut-être là que nous avons la solution. C’est que les feuilles et les plumes font le même geste. Il y a ce je ne sais trop quoi de très fin, de virevoltant, de planant, de tournoyant, de tourbillonnant, très doucement, et qui se pose. L’enfant l’a saisi, et c’est par le caractère mimique des deux objets que s’est fait le rapprochement d’où jaillit pour nous ce que nous appelons : la poésie.

Il faudrait que nous recueillions tous ces mots d’enfant qui jetteraient sur la psychologie du langage et de l’expression un jour tout à fait inattendu. Le beau style de l’enfant, c’est son style spontané, ce n’est pas celui qu’on lui fait faire à l’école. Nous avons des livres qui nous parlent de la ‘rédaction’ chez l’enfant. Mais la véritable rédaction de l’enfant ne se fait pas devant le papier et l’encrier, elle se passe en récréation quand il joue avec son petit camarade. Là jaillit un style inattendu fait de petites phrases courtes, mais pleines de réel et pleines de jeu. L’enfant joue avec les métaphores comme il joue avec ses gestes, parce que le geste est métaphore.”

Extrait d’un cours de Marcel Jousse, ‘Le geste mimique et la création de la métaphore’, fait en Sorbonne, le 14 janvier 1932.

Colloque : « Jeux en jeu dans l’enseignement – apprentissage des langues en Lansad »

Lansad = enseignement des “langues à des spécialistes d’autres disciplines”

à l’IUT de Lyon les 2, 3, 4 juin 2016

Dans son ouvrage intitulé L’anthropologie du geste, Marcel Jousse décrit l’homme comme “un animal interactionnellement mimeur” ([1974] 2008) ne pouvant s’empêcher de rejouer les actions qu’il voit autour de lui, actions qui s’im-priment en lui et qu’il ex-prime ensuite au travers de rejeux. L’homme construit donc son identité, son « je » en rejouant les actions du monde. Jouer lui permet de « faire corps avec » et, par là, de mieux comprendre et mémoriser (Lecoq 1997). Par conséquent, l’acte de jouer (et de rejouer) permet d’acquérir des connaissances et compétences tout en se reliant à autrui puisque tout jeu implique une reconnaissance et une adaptation à l’autre. Enfin, pour Jousse, jouer est un acte de création puisque le rejeu n’est jamais une réverbération, une simple imitation fidèle de ce qui a été perçu mais une réponse personnelle et dynamique. Il ne s’agit pas de représenter de manière figurée l’objet observé mais « d’agir » sa dynamique intérieure.

Ainsi, le jeu peut être un amusement, une activité divertissante que l’on pourrait proposer aux étudiants dans une perspective (re)motivationnelle ; toutefois, il reste fondamentalement un comportement qui nous est propre, « quelque chose de profondément anthropologique » (ibid). Dans cet esprit, Berthoz considère qu’il ne peut y avoir d’apprentissage sans action puisque « l’origine de la pensée réside dans la nécessité de bouger » (2009). D’autres chercheurs en neurosciences mettent en évidence l’importance du corps dans l’apprentissage, comme Rizzolatti, qui  suggère l’existence des neurones miroirs qui nous permettent inconsciemment de simuler les actions d’autrui.

Les liens entre jeu et apprentissage sont nombreux et tous deux sont des phénomènes éminemment sociaux qui relient l’individu à son environnement. Ils favorisent « la mise en je » de son identité et rappellent le rôle du corps dans la compréhension d’autrui. Le jeu reste néanmoins marginalisé en cours de langue (Lapaire & Masse, 2008 ; Aden 2008). Comment, dans ces conditions, penser l’enseignement/apprentissage dans le secteur LANSAD afin de redonner toute leur place aux jeux quels qu’ils soient ? Telle sera la question à laquelle nous tenterons de répondre lors du prochain congrès de l’APLIUT à Lyon. La notion de jeu pourra être envisagée dans ses nombreuses acceptions (théâtraux, stratégiques, vidéo, tangibles, pour n’en citer que quelques-uns) et ses enjeux en termes d’enseignement/apprentissage (motivation, plaisir, autonomie, mémorisation).

Références

Aden J. 2008. « Compétences interculturelles en didactique des langues : développer l’empathie par la théâtralisation », Apprentissages des langues et pratiques artistiques, Paris, Édition le Manuscrit, p. 67-102.

Berthoz A. 2009. La simplexité, Paris : Odile Jacob.

Jousse M. 2008. L’Anthropologie du Geste, Paris : Gallimard (1978)

Lecoq J. 1997. Le corps poétique : un enseignement de la création théâtrale, Arles : Actes Sud.

Lapaire, J.-R. & Masse J. (2008). « Danser la grammaire de l’anglais », dans Aden J., Apprentissages des langues et pratiques artistiques, p. 149-176.

Rizzolati G., Sinigaglia C. 2007. Mirrors in the Brain. How our minds share actions and emotions, Oxford : Oxford University Press.

Lien vers la source :
http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article6033

Appel à contribution : Geste’Stations – Les saisons du geste en scène

première édition : Autour de Marcel Jousse en compagnie d’Edgard Sienaert

            Co-organisé par la Cie théâtrale SourouS, le Théâtre Victor Hugo de Bagneux (Hauts-de-Seine),  l’Axe Esthétique EA-1573 Scènes du monde, création, Savoirs critiques de l’Université Paris 8 dirigé par le Pr.Katia Légeret et le CIRRAS (Centre international de réflexions et recherches en arts du spectacle) dirigé par Françoise Quillet.

            En partenariat avec l’Association Marcel Jousse.

Accompagnant l’orientation vers les arts du Geste du Théâtre Victor Hugo de Bagneux (Hauts-de-Seine), Geste’Stations- Les saisons du Geste en scène inventera, dans un esprit transdisciplinaire, et au fil de ses diverses manifestations, des espaces et des temps de rencontre entre des artistes de la scène, des chercheurs, et le public intéressé par l’art en train de se faire et de se penser, dans ses rapports à la société, aux autres arts, aux disciplines scientifiques. Chacune des manifestations s’articulera autour d’un thème ou d’une figure des arts du geste, prendra une forme propre particulière afin de privilégier des formats qui favorisent l’adéquation entre fond et forme et sera l’occasion de construire des rencontres décloisonnées, dans des formes métisses, afin que se mêlent des ateliers de pratiques et d’expérience, des conférences-démonstrations, des assemblages entre analyses classiques et création artistique, la présence conjointe de chercheurs, d’artistes et de spectateurs etc.

                        Geste’Stations, Les saisons du geste en scène a pour ambition de se dérouler sans périodicité prédéfinie, mais sur plusieurs années, constituant au fil des ans une archive filmée d’une recherche-création en train de s’inventer.

Geste’Stations – Les saisons du geste en scène première édition

Journée d’études

28 Mai 2016

Autour de Marcel Jousse en compagnie d’Edgard Sienaert :

Rejouer les gestes de l’Univers

‘Le Mimisme, c’est-à-dire la tendance instinctive, que l’homme seul possède, de rejouer tous les gestes de l’univers.’ (M. Jousse)

Il nous a semblé tout naturel d’inaugurer ce cycle de Geste’Stations- Les saisons du geste autour de la figure de Marcel Jousse.  C’est pourquoi nous avons invité Edgard Sienaert, chercheur honoraire au Centre for Africa Studies à l’Université du Free State à Bloemfontein, en Afrique du Sud, traducteur de l’œuvre de Marcel Jousse en anglais, actuellement en voie de publier In search of coherence. Introducing Marcel Jousse’s anthropology of mimism.

(suite dans la pièce jointe)

2016.02.16 Appel contribution 28 Mai Geste’Stations, M.Jousse

Sortie du livre “The Ethnography of Rhythm: Orality and Its Technologies” de Haun Saussy

Haun Saussy est professeur de littérature comparée à l’Université de Chicago. Il s’intéresse à l’œuvre de Marcel Jousse de longue date.

Sur son blog, il dit ne pas avoir pu s’empêcher de rédiger un résumé de son livre en français !

L’ETHNOGRAPHIE DU RYTHME – Écriture, oralité, technologies

Introduction : Le poids d’une parole ailée

Le sujet de ce livre est la perturbation causée par la littérature orale. Ce qu’on entend par littérature orale ; comment on en rend compte (approche théorique, approche ostensive) — insuffisamment. La nécessité d’une histoire du concept, car ni l’oralité ni l’écriture n’existent en tant que telles : définitions en miroir et par défaut. Jules César et les druides, Flavius Josèphe et les aèdes. Les Anciens vs. les Modernes, et Homère, auteur de “chansons du Pont-Neuf”. Vico, Ossian, Wolf, les folkloristes du XIXe siècle. Quand a-t-on pensé pour la première fois que les textes oraux avaient une structure spécifique ?

La suite :  http://printculture.com/version-francaise/

Présentation  en anglais
http://fordhampress.com/index.php/the-ethnography-of-rhythm-paperback.html

Table des matières en français
https://www.academia.edu/14492658/The_Ethnography_of_Rhythm_–_table_of_contents

Un nouvel ouvrage sur l’oralité publié au Canada

‘Or Words to That Effect – Orality and the writing of literary history’, recueil d’essais sur l’oralité, édité par Daniel F. Chamberlain et J. Edward Chamberlin de l’University of Toronto, inclut un article d’Edgard Sienaert :

‘Levelling the Orality-Literacy Playing Field: Marcel Jousse’s Laboratory of Awareness and the Oral-Literary Continuum.’ – Mettre sur un pied d’égalité l’oral et l’écrit : le laboratoire de prise de conscience de Marcel Jousse et le continuum entre les pôles oral et écrit.

Présentation en anglais
http://www.academia.edu/21050246/Or_Words_to_That_Effect._Orality_and_the_writing_of_literary_history._Edited_by_Daniel_F._Chamberlain_and_J._Edward_Chamberlin

Un film magnifique sur Marie Heurtin

Sorti au cinéma le 12 novembre 2014, ce film de Jean-Pierre Améris raconte l’histoire vraie d’une jeune fille née sourde et aveugle, confiée par ses parents en 1895 dans une institution religieuse accueillant les filles sourdes.

L’acquisition du langage à laquelle Marie Heurtin est parvenue grâce à Sœur Marguerite, la religieuse qui se fit son éducatrice, ne put passer que par les gestes “corporels-manuels”.

Marcel Jousse, qui rencontra Marie et sa sœur Marthe Heurtin, y voyait une démonstration éclatante que la parole est un geste, que le langage est avant tout un mimage, suivant la loi du mimisme humain.

Lire la compilation des cours de Jousse à propos des sœurs Heurtin.

La bande-annonce du film

Une interview du réalisateur

L’article de Wikipédia à propos de Marie Heurtin

La page Facebook du film

Gérard Rouzier rejoue un cours de Jousse

G. Rouzier dit un cours de M. Jousse from Le Geste, le Verbe et le Souffle on Vimeo.

Sur les pas de Marcel Jousse (2014)

La mémoire, le geste et le vivant

Professeur à l’École d’Anthropologie, conférencier à la Sorbonne et à l’École Pratique des Hautes Études, Marcel JOUSSE (1886-1961) est connu pour sa théorie anthropologique du geste. Immergé dans le monde (cosmos) et en interaction constante avec les éléments, l’humain (anthropos) porte en lui la capacité innée et irrépressible, d’absorber et de rejouer le mouvement des êtres et des choses sous forme de gestes (vocaux, corporels, propositionnels, graphiques).

Ce film documentaire, réalisé par Jean-Claude CHEYSSIAL et produit scientifiquement par Jean-Rémi LAPAIRE (Université Bordeaux Montaigne), retrace le destin d’une figure forte et inclassable des sciences humaines françaises : du petit sarthois, élevé dans l’oralité des traditions rurales, au professeur remplissant les amphithéâtres ; du prêtre jésuite à l’officier d’artillerie ; des Araméens aux Amérindiens, nous suivons la vie et redécouvrons la méthode de Jousse. Quelles résonnances ses idées peuvent-elles avoir pour la science et le monde d’aujourd’hui ?

Une co-production : Université Bordeaux Montaigne & Association Marcel Jousse

Introduction au dossier Marcel Jousse de la revue Nunc n°25, Octobre 2011

A commander sur le site de la revue

Marcel Jousse. Pour une anthropologie autre.
Franck DAMOUR

Qui connaît encore Marcel Jousse ?

Il fait partie de ces éclipsés, méjugés ou ignorés pour certains, inconnus pour la plupart. Et pourtant, lorsqu’il est lu, Jousse laisse rarement indifférent. Comme le dit justement Bernard Baillaud, « il n’est pas une page de Marcel Jousse qui n’incite à lever la tête ».

Pourquoi Jousse provoque-t-il cela ? Car il part de l’expérience, il touche notre expérience. Prendre Jousse pour un théoricien de l’oralité, ou du mimisme, c’est faire fausse route, c’est prendre Jousse à l’envers. Car il ne s’agit pas de théorie, mais de science humaine vivante, d’anthropologie au sens plein du terme, dans toutes les dimensions de l’homme. Au point, à la fin, de lever la tête.

Marcel Jousse a été animé par une exigence de globalité de l’humain, non comme slogan (cela, tout le monde le fait), mais comme pratique : l’idée de geste résume cette globalité. Le geste comme manifestation de la globalité de l’homme. Celui du maçon, de l’aïkidoka, du sportif, du mot juste, ajusté du poète ou du professeur. Toute parole n’est qu’à la hauteur de sa densité charnelle.

Marcel Jousse représente la fin du discours. « Il faut une force scientifique pour remettre la vie dans cela et opérer une sorte de transfusion de sang, c’est-à-dire qu’il faut mettre dans le livre de la vie. » Tout tient dans cette phrase de Jousse. L’objectif : « mettre de la vie dans le livre ». C’est-à-dire nous sortir de l’emprise d’un écrit sclérosé, du bavardage théorique, du verbiage, pour redonner à la langue sa chair et à la chair sa langue, et, incidemment, faire à nouveau du livre ‒ mais cela peut être un film, une danse ou une liturgie ‒ une expression de la vie. Encharner la langue, tel est l’horizon qui aimante Nunc depuis bientôt dix ans et justifie son existence. La rencontre avec Marcel Jousse était inévitable.

Il s’agit ici de proposer un portrait vivant de ce penseur injustement méconnu, et des multiples facettes de son anthropologie. La méthode : « une force scientifique ». Car il s’agit de redonner à l’anthropologie son véritable statut de science, née de l’expérience du vivant, et non d’idéologie d’un scientifisme douteux car théorique et mortifère. Alors, avec Jousse, il s’agit d’une science du vivant, non des idées, non du discours, mais de la chair traversée de sens.

La gageure était de parvenir à faire entendre Jousse à travers un média – le texte écrit – qui n’est de toute évidence pas une entrée suffisante dans l’œuvre de Marcel Jousse, mais qui peut jouer un rôle de seuil. D’autant plus que Nunc espère être une revue différente par sa pratique différente de l’écrit : en effet, les contributions, quoiqu’étayées et référencées, se doivent de faire entendre une voix. Avons-nous relevé cette gageure ? En tout cas, la forme plurielle de la revue est une première piste que nous avons utilisée pleinement, à regarder la variété des horizons et des voix réunis ici.

Au cœur du dossier, il y a ces deux cours de Marcel Jousse car, pour reprendre une formule de Jean Sullivan, « Jousse exige le contact direct avec son écriture-parole ». Ces cours ont été choisis par Rémy Guérinel et Edgard Sienaert parmi des milliers de pages pour leur qualité à faire entrer dans la geste joussienne. Cette geste utilise un vocabulaire déroutant, nouveau pour dire nouvellement des choses que nos oreilles « algébrosées » ne savent plus entendre : pour l’expliciter, nous avons choisi, dans le lexique final, dans les notes de bas de page, de faire appel à Jousse lui-même, afin que d’obstacle ce vocabulaire devienne porte d’entrée.

Mais ces cours, il fallait aussi les replacer dans leur perspective tout à la fois intellectuelle, culturelle et spirituelle, ce que font en ouverture et clôture du dossier Haun Saussy et Bertrand Vergely.

Il fallait aussi les replacer dans la vie de Jousse, et nous avons sollicité Titus Jacquignon, qui prépare une thèse sur Jousse, pour poser les jalons de son aventure intellectuelle.

Le témoignage de Joseph Morlaâs, qui fut un collaborateur au long cours de Jousse, nous offre un portrait de l’intérieur.

Enfin, il est frappant que Marcel Jousse soit aujourd’hui lu et mobilisé par des personnes d’horizons les plus divers, soignants et poètes, philosophes et artisans, comédiens et pédagogues : la troisième partie du dossier donne la parole à certains d’entre eux.

Benoît Virole nous éclaire, à partir du cas des enfants sourds-muets, sur ce que Jousse apporte de nouveau (ou plutôt d’oublié) dans la compréhension du langage, en écho avec la proposition de rythmo-typographie, une mise par écrit d’une parole orale et gestuelle par Edgard Sinaert.

Celui-ci, à partir de son expérience de traducteur de Jousse en anglais, pointe la richesse des intuitions joussiennes dans un contexte interculturel.

Les passerelles entre Jousse et Paulhan (Bernard Baillaud), Claudel (Christine Rayroux) ou Merleau-Ponty (Natalie Depraz) nous rappellent l’apport de Jousse dans la prise en compte du corps comme geste vivant. D’autres aspects auraient pu être abordés, comme la musique ou l’adaptation technologique, mais aussi la théologie ou la danse, la place a manqué et il s’agissait sans doute de poser, avec d’autres, une pierre de plus sur le cairn joussien à l’orée du chemin.

Nous espérons donner à la fois le goût et des clefs pour redécouvrir un penseur majeur du XXe siècle, qui a tenté de défricher les voies d’une anthropologie dynamique qui prenne l’homme à sa racine.

Sommaire développé

AXIS MUNDI MARCEL JOUSSE. POUR UNE ANTHROPOLOGIE AUTRE
dossier dirigé par Rémy Guérinel, Edgard Sienaert et Franck Damour

Franck DAMOUR, Introduction (ci-dessus)

Haun SAUSSY, Non pour abolir, mais pour accomplir : les destinées de Marcel Jousse

  • Le commencement : Jousse dans le contexte polémique de la crise du modernisme, découlant de la critique historique des textes du Nouveau Testament (Alfred Loisy).
  • Jousse méthodologiste : quelle en est la portée générale ? Sa critique par Henri Meschonnic.
  • Les perspectives d’actualisation de la pensée joussienne avec les découvertes des neurosciences.

Titus JACQUIGNON, Marcel Jousse. Jalons pour un itinéraire biographique et intellectuel

  • Qu’est-ce qui explique l’éclipse de Marcel Jousse après sa mort ? Qu’est-ce qui justifie de le redécouvrir 50 ans plus tard ?
  • L’enfance paysanne, matrice de l’anthropologie du geste
  • Le prêtre, le combattant, le savant
  • Son séjour aux U.S.A. : la rencontre des Indiens et la vocation de l’anthropologie
  • L’enseignement des maîtres de Paris dans les années 1920
  • Triomphe à Rome devant l’Institut Biblique Pontifical, il reçoit le soutien de Pie XI
  • Son ascension de 1925 à 1939, puis son déclin à partir de la 2ème guerre mondiale

Joseph MORLAAS, Marcel Jousse : un maître

Fidèle collaborateur de Jousse, médecin psychiatre, il a mené des recherches sur l’apraxie. Dans ce témoignage publié initialement en 1977, le Dr Morlaâs raconte sa rencontre intellectuelle puis humaine avec le professeur Jousse. Il décrit le personnage, dont la façon d’être et de s’exprimer était en unité profonde avec la pensée scientifique. Il témoigne des réactions de Jousse en fonction de l’ouverture ou de la fermeture que ses travaux rencontrèrent dans différents milieux, laïcs ou religieux.

Edgard SIENAERT, Deux cours d’anthropologie de Marcel Jousse : une introduction

Aperçu des principaux thèmes de la pensée de Jousse et de sa terminologie, éclairée par des citations de ses cours.

N.B. : Contrairement à ce qui est écrit dans la revue, ces cours n’ont pas été pris en note par un simple auditeur mais par une sténotypiste professionnelle, ce qui en garantit la précision. Nous donnons ci-dessous le plan de ces cours, établi par Jousse comme support à son enseignement oral.

Marcel JOUSSE, Le retour aux gestes du composé humain – Laboratoire de rythmo-pédagogie, le 7 décembre 1938 : premier cours d’une année intitulée : « Le rythmo-catéchisme formulaire de Rabbi Iéshoua de Nazareth ».

Introduction : Laboratoire de mort et laboratoire de vie.

I. le composé humain

  1. La mort : séparation de l’âme d’avec le corps
  2. La vie : union de l’âme avec le corps
  3. Le vocabulaire a) vieux, maniant la mort et b) nouveau, maniant la vie

II. Les gestes du composé humain

  1. Le mimisme humain macroscopique ou microscopique
  2. Le geste interactionnel
  3. Le geste projeté hors de soi

III. Le retour aux gestes

  1. La paralysie par le livre
  2. La paralysie sociale
  3. L’anthropologie du mimisme

Conclusion : La formation de moi-même par le mimisme

Marcel JOUSSE, L’anthropologie et le mimographe – École d’Anthropologie, 10 décembre 1934

Introduction : La lutte contre la mort des mimèmes [l’oubli]

I. Prévision scientifique logique de l’agraphisme [la transmission sans écriture]

  1. Les rythmo-mimeurs
  2. Les rythmo-psalmodieurs
  3. La tradition vivante, stéréotypée, rythmique

II. Prévision scientifique logique du mimographisme [l’origine de l’écriture]

  1. Graphisme du mimodrame
  2. Graphisme successivé par phasage

III. Prévision scientifique logique du phonographisme [l’écriture alphabétique]

  1. Phonographisme initial
  2. Dégagement lent du phonographisme pur
  3. Persistance du mimographisme étymologique

Conclusion : Mimisme humain indéracinable

Erratum : p.49, paragraphe 2, trajectoire > mémoire

Edgard SIENAERT, La Plainte de Piet Draghoender : un exemple de rythmo-typographie

Présentation typographique adaptée du témoignage improvisé en style oral, d’un petit fermier métis d’Afrique du Sud, menacé d’expulsion par la politique d’apartheid.

Edgard SIENAERT, Traduire Jousse : quelques réflexions

Le traducteur en anglais des textes de Jousse fait état de l’itinéraire qui l’a conduit à réaliser cette entreprise difficile – en écho aux propos de Jousse lui-même sur la difficulté de traduire.

Christine RAYROUX, Dire Claudel ou parler Jousse ?

Claudel et Jousse se sont rencontrés, ils s’appréciaient mutuellement. Christine Rayroux, comédienne, a joué des textes de Claudel et a aussi interprété un cours de Marcel Jousse. Elle livre un témoignage sur ces deux expériences d’incarnation d’une parole puissante.

Bernard BAILLAUD, Sur la manducation de la parole de Jean Paulhan par Marcel Jousse et réciproquement ou Par quel bout les prendre

Jean Paulhan est un critique, écrivain, éditeur, qui a été comme Jousse élève de Pierre Janet. Il a ramené d’un séjour de 3 ans à Madagascar des poésies populaires, les Hain-tenys merinas, souvent mentionnées par Jousse. Un aperçu de ce qui les rapproche et de ce qui les distingue.

Benoît VIROLE, Un couteau au bord du signe

L’œuvre de Marcel Jousse devenue illisible, par rapport à la linguistique et à la sémiotique contemporaines. Un commentaire du cas clinique de Marie et Marthe Heurtin utilisé par Jousse. Réflexion sur la persistance dans l’Homme de l’originaire, à l’ère numérique.

Natalie DEPRAZ, Jousse et Merleau-Ponty : l’enfant en nous. Parole et mimisme

L’attention ouverte de l’enfant. L’enfant : être ce qu’il fait.
… une déprise de la division soi-autrui.
… la transformation de l’intersubjectivité par le mimisme … l’organicité du geste, une gesticulation positive

Michel DE CERTEAU, Une anthropologie du geste : Marcel Jousse

Note de lecture publiée dans la revue Études (1970, n° 332/05), accessible par le site de la BNF.

Bertrand VERGELY, Quand l’anthropologie devient une théologie

Éléments pour un lexique joussien sur la bouche de Marcel Jousse

Pour goûter l’enseignement de Marcel Jousse

Qu’est-ce qu’une anthropologie poétique ? L’exemple de Marcel Jousse

Philippe Beck, Maître de conférences à l’Université de Nantes :

“Un être humain peut tenir deux discours contradictoires sur l’humanité.
Le premier dit : « Jamais il n’y eut d’hommes, et l’anthropologie est future. »
Le second dit : « Tous les hommes sont des hommes, et l’anthropologie a lieu. »
Il entre dans la nature de l’homme de constater tour à tour, voire en même temps l’existence et l’inexistence de l’humanité et, alternativement, de louer la vivacité ou de critiquer la défaillance du discours scientifique sur l’homme quand la définition de l’homme s’est dérobée.
Mais les deux discours se complètent l’un l’autre : ce que l’homme devrait ou pourrait être ne correspond pas ou manque à correspondre à ce que l’homme est communément. Il y a solution de continuité entre le présent et le futur.
La prescription enveloppe cependant une description : ce qu’est l’homme renvoie à ce qu’il pourrait être, et ce qu’il est entre dans ce qu’il pourrait être.
La poésie a tenu, naturellement, les deux discours incompatibles en apparence. Elle a même tenu aux deux discours, s’est déployée en raison de leur contrariété en chacun.”

Conférence donnée le 6 mars 2012 dans le cadre du colloque “Anthropologie et poésie” organisé par l’UMR 8547 Archives Husserl – Transferts culturels. Source : École Normale Supérieure

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